La Grande guerre


Lorsqu’un prétexte, jouant de loin en loin des alliances de la France et de l’Allemagne, mène très vite au 3 août 1914, jour où celle-ci déclare la guerre à l’autre, le suicide des civilisations les plus prospères est presque déjà achevé.


I. Un conflit en puissance depuis huit lustres


La guerre de 1870 saura contrebalancer sa brièveté par un conflit latent macérant dans l’esprit d’une France humiliée à la mesure de son exaltation première (voyez l’explicit de Nana, Zola).

De ce fait, dès 1894, quand la France perdue en l’Europe diplomatique fait alliance avec la Russie, l’Allemagne prévoit ce fâcheux enserrement en concevant un plan qui lui permettra d’être présente sur deux fronts : le plan Schlieffen. Au nombre affaibli par l’étendue Russe la France devrait être attaquée en premier, contournée par la Belgique puisqu’elle concentrerait ses forces en Ardennes et en Vosges.


II. Quatre années de guerre (1914-1918)




En quelques jours, l’Allemagne déclare la guerre à la Russie puis la France (1 et 3 août 1914). Un mois plus tôt, l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie appuyée par la Russie, cette dernière alliée à la France, situation réalisant les conditions pour l’exécution du plan allemand. Le 4 août, l’Allemagne envahit donc la Belgique, sans prévoir une conséquence de taille : l’Angleterre ne voit pas d’un bon œil cette transgression de territoire neutre et à son tour déclare la guerre.
Sur ce front, la France s’efface devant la mitraille, ses hommes et sa cavalerie impuissante et démodée, sous les ordres du général Joffre, se retirent avant de brutalement contre-attaquer.


 Ce fut le 6 septembre 1914, que les rivaux vont s’enterrer dans les tranchées de la Marne : les Allemands ont fait l’erreur de créance en la victoire, retirèrent des troupes et les dépêchèrent vers le front russe (victoire des Allemands à Tannenberg), vont ainsi confirmer cette guerre contre l’opinion qu’elle eût été courte comme en 1870.

Propagandes (immédiatement ci-dessus : la punition doit être ; de l'école de la guerre)

Pendant l’année 1915, les deux camps n’avancent pas, l’Italie se rallie à la France, l’Angleterre et la Russie, et l’Allemagne en mai torpille le Lusitania, nouveau prétexte à l’entrée en guerre des Etats-Unis (1917).


 1916 connaît les batailles les plus meurtrières : Verdun et la Somme. Henri Barbusse aura aussi su alluder à ces théâtres, les ayant vécus, à Crouy, en première ligne :


Les coups de fusil crépitent de tous côtés. Tout à coup, une balle claque net dans la terre du talus où je m’appuie. Je mets la face au créneau. Notre ligne serpente dans le haut du ravin : le terrain est en contre-bas devant moi, et on ne voit rien dans cet abîme de ténèbres où il plonge. Toutefois, les yeux finissent par discerner la file régulière des piquets de notre réseau plantés au seuil des flots d’ombre, et, çà et là, les plaies rondes d’entonnoirs d’obus, petits, moyens ou énormes ; quelques-uns, tout près, peuplés d’encombrements mystérieux. La bise me souffle dans la figure. Rien ne bouge, que le vent qui passe et que l’immense humidité qui s’égoutte. Il fait froid à frissonner sans fin. Je lève les yeux : je regarde ici, là. Un deuil épouvantable écrase tout. J’ai l’impression d’être tout seul, naufragé, au milieu d’un monde bouleversé par un cataclysme.

Barbusse, Le feu, 20, 1916


Mais cette peinture représenterait difficilement une offensive telle que celle de Verdun, quand les Allemands lassés de leur position depuis plus d’un an prennent le fort de Douaumont. Les assauts, pendant plusieurs mois, se suivent alors que la noria ravitaille les lieux empruntant la voie sacrée. En mai 1916 apparait le phosgène, un gaz mortel provoquant la suffocation.
En juillet c’est l’offensive de la Somme : « la terre a faim. »


 Sur quelques mois seulement, cette attaque prévue déjà par les forces franco-britanniques va ajouter aux 750 000 victimes de Verdun plus d’un million de pertes. Ce sinistre théâtre va en outre voir l’usage, par les anglais, des premiers chars de l’histoire.


 Oserait-on encore parler de tradition guerrière pour la modernité (depuis le XVIe siècle) ? Le chiffre, la quantité au détriment de la qualité, permettrait d’en douter, et comme le dit Apollinaire :

Où sont les guerres d’autrefois ?

En avril 1917, Wilson engage l’Amérique dans la guerre, et tourne à l’avantage de l’Entente le rapport des forces injurié quelques mois plus tard par la révolution d’octobre en Russie, désengagement définitivement ces troupes du conflit, et le front de l’est. C’est l’année où éclatent des mutineries, les soldats ne comprenant plus le pourquoi de leur martyr.

1918 va le voir finir : Foch, commandant unique des troupes alliées, repousse les Allemands après que ces derniers furent parvenus à s’approcher de Paris. Mais l’armistice est surtout hâté par des événements internes, en Allemagne : l’année connaît une Révolution socialiste dans une Europe dont le peuple prend conscience de l’absurdité massive des victimes contre « les gros », comme le témoigne la chanson de Craonne (1917) :

Ce sera votre tour messieurs les gros
De monter sur le plateau
Car si vous voulez faire la guerre
Payez-la de votre peau

Le solde sera dur pour l’Europe : plus de onze millions de morts, et finalement une victoire pour la seule Amérique n’ayant laissé que quelques os dans la terre pour le remboursement d’immenses dettes des pays dévastés de l’ancien continent, signant par là son hégémonie mondiale.



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